Le Cameroun regorge de nombreuses ressources naturelles encore peu exploitées mais pouvant contribuer au développement de filières industrielles stratégiques. C’est le cas notamment des carrières de feldspath découvertes à Bogou dans la région du Nord et des gisements de gravier présents sur l’ensemble du territoire. Ces matières premières, indispensables à la fabrication de produits céramiques, ouvrent au pays de nouvelles perspectives dans ce secteur porteur.
Située au pied du Mont Tinguelin, la localité de Bogou abrite l’un des plus importants gisements de feldspath d’Afrique Centrale, avec des réserves estimées à plusieurs millions de tonnes. Or ce minéral alumino-silicaté de formule Al2O3.SiO2.K2O est l’un des composants de base dans la formulation des pâtes céramiques. Sa découverte au Cameroun offre donc l’opportunité de développer sur place une filière céramique compétitive.
De même, les ressources en gravier disponibles dans tout le pays, utilisé comme agrégat dans les bétons et mortiers, ouvrent des possibilités d’implantation d’unités de fabrication diversifiées : carreaux, sanitaires, produits réfractaires, articles culinaires… L’exploitation rationnelle de ces matières premières locales permettrait de réduire les coûts de production et d’alimenter le marché national comme sous-régional.
Le potentiel de développement que représentent ces gisements stratégiques mérite d’être analysé afin de transformer le Cameroun en pôle d’excellence dans les métiers de la céramique, créateur d’emplois et générateur de devises. Des défis restent néanmoins à relever en termes d’aménagements logistiques, d’impacts environnementaux et de compétitivité industrielle.
Du feldspath de haute qualité à Bogou
Selon les expertises géologiques, le gisement de feldspath de Bogou renferme des réserves de l’ordre de 50 à 80 millions de tonnes, réparties sur une superficie d’environ 150 hectares. Les analyses minéralogiques indiquent un taux moyen de feldspath potassique (orthose et microcline) de 60 à 70%, ce qui classe ce gisement parmi les meilleurs au monde de par sa richesse et sa pureté.
Sa composition optimale en feldspath, quartz, mica et minéraux accessoires en fait une matière première céramique de première qualité, répondant aux standards internationaux. Ces caractéristiques techniques exceptionnelles lui confèrent un potentiel d’utilisation dans une large gamme d’applications : carreaux, faïence, porcelaine, produits réfractaires, sanitaires…
L’exploitation de ce filon stratégique permettrait au Cameroun de s’affranchir des importations onéreuses de feldspath en provenance d’Europe ou d’Asie et de développer sur place une industrie céramique compétitive. Les volumes extraits alimenteraient plusieurs usines de transformation sur le long terme, générant des centaines d’emplois locaux.
Le gravier, ressource commune à valoriser
Grâce à sa géologie riche en roches sédimentaires, le Cameroun regorge de gisements de gravier constitués de fragments de galets de diverses roches. Cet agrégat granulaire essentiel à la production des bétons et mortiers se trouve de façon omniprésente dans les lits des rivières comme dans les sols sablo-graveleux des plaines côtières et intérieures.
Son extraction dans des carrières modernes pourrait répondre aux besoins croissants du BTP local tout en alimentant l’industrie céramique naissante. Contrairement au feldspath importé, le gravier présente également l’avantage d’être disponible à faible coût sur l’ensemble du territoire national. Sa proximité des futurs sites de production réduirait les coûts de transport.
Des unités de fabrication pourraient ainsi voir le jour dans différentes régions, en s’appuyant sur les ressources en gravier locales. Leur production diversifiée de carreaux, briques, tuiles, pipes et autres articles courants dynamiserait l’habitat, l’hydraulique et les travaux publics tant au niveau national que régional.
Un défi logistique à relever
Cependant, le développement de ces filières céramiques devra résoudre certains défis afin d’exploiter pleinement le potentiel offert par ces matières premières. Tout d’abord, l’éloignement des sites d’extraction du feldspath et de gravier des principaux marchés nécessitera des investissements importants en infrastructures de transport.
Il s’agira de désenclaver les zones de production par la construction de routes bitumées adaptées au trafic des poids lourds. Des aménagements portuaires seront aussi indispensables pour l’exportation des productions vers les pays voisins, l’Afrique et l’Europe.
Ensuite, les unités industrielles devront disposer de sources d’énergie compétitives pour fonctionner de manière rentable. L’accès à l’électricité et au gaz butane ou propane à des prix abordables constituera donc un autre enjeu crucial. Enfin, la formation de techniciens et ingénieurs qualifiés dans les métiers de l’extraction et de la transformation céramique sera nécessaire.
Des impacts environnementaux à maîtriser
Les activités d’exploitation minière et industrielle engendreront aussi des impacts sur l’environnement qu’il faudra anticiper et gérer avec précaution. L’ouverture des carrières entraînera inévitablement la déforestation de centaines d’hectares et pourra perturber les écosystèmes adjacents.
Les poussières issues du concassage et du transport des matières représenteront également un risque important pour la qualité de l’air. Par ailleurs, les déchets de production (schlamms, boues de lavage) devront être traités et entreposés de manière sécurisée pour ne pas polluer les eaux et les sols.
Des études d’impact environnemental approfondies s’imposent dès à présent afin d’anticiper ces problématiques, d’évaluer les risques réels et de proposer des plans de gestion performants (traitement des rejets, restauration des sites…). La concertation avec les populations riveraines sera également essentielle pour prévenir les conflits d’usage des terres et garantir l’acceptabilité sociale des projets.
Avec une bonne maîtrise technique et environnementale, l’exploitation de ces ressources naturelles représente incontestablement une chance pour le Cameroun de s’établir comme pôle de développement de l’industrie céramique au niveau régional. La compétitivité des produits locaux sur le marché intérieur et à l’export dépendra de la capacité du pays à relever ces défis logistiques et environnementaux.